Lettre adressée à Franck Riester pour demander que soient mises sous licences libres, les images de la cathédrale Notre-Dame de Paris prises par les agents du ministère, suite à l’incendie d’avril 2019.
Paris le 6 mai 2020,
Monsieur le Ministre,
Nous avons découvert avec intérêt le nouveau site consacré à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cependant, un point nous interroge.
En 2014, le ministère de la Culture a fait le choix de publier son site internet sous licence libre (CC-BY-SA 3.0 FR), avec pour objectif déclaré qu’en « favorisant une plus grande lisibilité des conditions de réutilisation de ses données et de ses contenus, le ministère permet au plus grand nombre, notamment aux jeunes, aux entrepreneurs et aux créateurs, de s’approprier légalement une matière première de grande valeur et source d’innovation tout en garantissant le rayonnement de la richesse du patrimoine culturel français sur Internet ». Or si le site dédié à la cathédrale est bien régi par les mentions légales de culture.gouv.fr, sa médiathèque mentionne deux licences Creative Commons non libres puisqu’elles interdisent la modification (“ND”) et la réutilisation commerciale (“NC”). Ces licences sont ainsi incompatibles avec Wikipédia qui n’accepte que les licences libres (CC-BY, CC-BY-SA ou la Licence ouverte d’Etalab).
Les contributeurs de Wikipédia produisent beaucoup de contenu. L’extérieur de la cathédrale est régulièrement photographié. L’intérieur a également pu l’être grâce à un partenariat avec le Diocèse de Paris. Tout ce travail est massivement consulté. Ce funeste 15 avril 2019, les 79 versions linguistiques de l’article Wikipédia consacré à la cathédrale ont été consultées plus de huit millions de fois. Il n’est pas possible pour les bénévoles de Wikipédia de pénétrer dans la cathédrale depuis sa destruction partielle. Les agents du ministère réalisent des photos historiques qu’ils sont les seuls à pouvoir faire. Nous pensons donc qu’il ne doit pas y avoir d’entraves à la libre diffusion de ces contenus, notamment sur Wikipédia, cinquième site internet le plus consulté en France et premier site à but non lucratif.
Cela nous parait d’autant plus souhaitable qu’il est essentiel de favoriser la présence française sur Internet. Les autorités françaises regrettent la prédominance des plateformes américaines commerciales (GAFA) sur le web. Cette domination est renforcée par la publication massive de contenus librement réutilisables par l’état fédéral américain et ses agences. Une solution rapide et peu coûteuse serait de modifier la licence des photothèques et médiathèques des ministères, comptes Flickr et chaînes YouTube. Wikipédia aurait ainsi accès à des photos du chantier de reconstruction de Notre-Dame, au portrait de la ministre des Armées, etc. Pour l’anecdote, Wikimédia France avait souligné lors des Assises du Numérique 2008 que la biographie de la ministre de la défense de l’époque, Michèle Alliot-Marie, était illustrée grâce à un soldat américain. En 2020, il en est de même pour la biographie de la ministre des armées, Florence Parly. L’image principale de l’article d’Emmanuel Macron provient d’une photo de la Maison Blanche.
En cette période de confinement, l’accès au savoir en ligne est plus que primordial. Wikipédia a aujourd’hui, plus que jamais encore, toute sa place dans le partage de la richesse patrimoniale, au profit d’une nation apprenante.
Nous pensons que Wikipédia a d’ores et déjà beaucoup fait pour la promotion de la langue française, des autres langues de France, du patrimoine français et de la lutte contre la désinformation en ligne, tout en respectant le droit d’auteur. Cela a pu se faire notamment grâce à une étroite collaboration entre la DGLFLF et Wikimédia France. Mais il reste beaucoup à faire. Nous serions ravis d’en discuter dans les prochains mois.
En vous remerciant par avance, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération.
Pierre-Yves Beaudouin, Président de Wikimédia France