Lingua Libre, la médiathèque linguistique participative de Wikimédia France a franchi en juin le seuil symbolique des 500 000 enregistrements audio. À cette occasion, l’association vous fait découvrir quelques-uns de ces bénévoles qui participent à cette aventure collaborative.
Sa découverte de Lingua Libre
Pamputt a assisté de près au lancement de Lingua Libre en 2016. Il était déjà très investi sur le Wiktionnaire et soucieux des avancées qui pouvaient se faire dans le domaine lexicographique. Lorsque les premières discussions autour d’un outil d’enregistrement audio de masse ont eu lieu, il s’est tout de suite engagé pour faire avancer l’idée. Aujourd’hui, Pamputt dispense des formations sur Lingua Libre et en est l’un de ses administrateurs. Nicolas, volontaire civique au sein de l’association lui a posé quelques questions pour en savoir plus sur son implication en tant qu’administrateur de la plateforme.
Qu’est-ce qu’être administrateur de Lingua Libre ?
« En théorie être administrateur ne donne pas de droits éditorial supplémentaires par rapport aux autres contributeurs. Ça donne en revanche, comme son nom l’indique, des missions de gestion administrative. Concrètement on organise les pages de contenu existantes sur lingua libre (les listes de mots assemblées à la main par des contributeurs). On peut renommer ou protéger des pages (la page d’accueil par exemple).
L’administrateur a un statut proche du référent : on vient nous demander de l’aide, des informations sur le site. On accompagne aussi les nouveaux contributeurs et on répond à leurs besoins dans la mesure du possible. Du coup nos pseudos figurent sur une liste accessible à tous et grâce à laquelle n’importe qui peut nous contacter en cas de besoin. »
Comment es-tu devenu administrateur de Lingua Libre?
« J’ai commencé à contribuer à Wikipédia en 2006, puis à m’intéresser aux programmes de Wikimédia France. J’ai toujours suivi de près le projet Lingua Libre et à l’heure de choisir ce qu’on appelait au tout début des « usagers de confiance », c’est-à-dire les administrateurs d’aujourd’hui, j’ai été désigné comme tel.
Bien évidemment, si on arrive à faire grandir la communauté considérablement, on prévoit de mettre en place, comme sur les autres projets Wikimedia, des pages de candidature avec des votes de la communauté. Le processus de sélection actuel pour la fonction d’administrateur n’a pas vocation à rester comme ça. »
Qu’est-ce qui distingue Lingua Libre d’autres outils d’enregistrement de masse présents sur le web ?
« Le gros avantage de Lingua Libre c’est que tous les enregistrements qui sont faits dessus peuvent être réutilisés en licence libre. Bien entendu, il s’agit d’un trait distinctif commun à l’ensemble des projets du mouvement Wikimedia. C’est une caractéristique d’autant plus considérable que si un jour le site ferme, tout le monde a le droit d’aller chercher les enregistrements stockés sur Wikimedia Commons. »
Comment voyez-vous l’avenir de Lingua Libre ?
« Plusieurs possibilités s’offrent à nous. Une des applications possibles serait qu’on se serve des enregistrements pour développer un autre site ou une application pour l’apprentissage des langues. Une autre, d’en faire un « Wikipédia oral», c’est-à- dire de pouvoir s’enregistrer en lisant des articles, de préférence en langues minoritaires ou peu dotées car souvent elles ne s’écrivent pas. C’est une manière de remédier au manque de diversité linguistique que l’on trouve sur Wikipédia et ses projets sœurs. Cependant, les fonctionnalités actuelles de Lingua Libre ne nous permettent pas encore d’enregistrer des phrases, même si on compte en faire une priorité de développement. Mais avant de trancher sur une proposition, il faut nous poser la question suivante : Lingua Libre a t-elle vraiment vocation à mettre en avant des propositions de réutilisations possibles orientées vers un but précis comme l’apprentissage des langues par exemple, ou bien au contraire préfère-t-on qu’elle reste une plateforme relativement simple d’enregistrement ?
Ce qui est certain, c’est qu’à moyen-terme, j’aimerais que ce soit l’outil de référence pour tout type d’enregistrements placés sous licence libre. Pour continuer à faire vivre la plateforme et accroître son rayonnement, il est primordial de former une communauté qui pourrait s’auto entretenir en suivant les règles communautaires des projets Wikimedia. »
Selon vous, comment faire en sorte que Lingua Libre acquière plus de visibilité au sein du mouvement wikimedia et chez le grand public en général ?
« A mon sens, pour faire grandir la communauté lingua libriste, il faut d’abord viser les petits groupes linguistiques avec lesquels nous avons déjà quelques liens établis. Le partenariat qui a été conclu avec des membres très actifs sur les projets Wikimedia provenant de la communauté linguistique berbère chaoui, en est une belle illustration. Ça a donné lieu à un nombre important d’enregistrements en chaoui sur Lingua Libre. En retour, la plateforme a apporté énormément de soutien à l’ascension numérique du chaoui, une langue pour laquelle les conventions grammaticales sont rares. La même chose peut être dite sur le travail qui a été fait en association avec la communauté wikimédienne bengali d’Inde et occitanophone en termes de valorisation linguistique sur Lingua Libre.
Il ne faut évidemment pas oublier d’établir des liens avec d’autres chapitres plus grands qui peuvent être des intermédiaires entre les Lingua Libristes et les locuteurs en langues minoritaires. Ce sont en effet des relais qui se trouvent dans des pays et des régions du monde où nous ne parvenons pas à toucher des locuteurs en langues régionales sans leur aide. À ce sujet, les conférences internationales et régionales wikimediennes, qu’elles aient lieu en Afrique, en Asie du sud-est, ou en Amérique Latine, sont les endroits adéquats où entrer en contact avec ces personnes qui tentent de conférer plus de visibilité à leur langue.
On souhaite aussi continuer à ancrer Lingua Libre dans le réseau des projets wikimédiens. L’outil d’enregistrement est déjà relié à Wikimedia Commons, à Wikidata et à deux versions linguistiques du Wiktionnaire, mais il faut continuer à penser ces synergies pour enrichir les projets Wikimedia dans leur ensemble, et pas seulement la base de données de Lingua Libre. Lingua Libre a aujourd’hui une visibilité accrue sur d’autres projets Wikimedia comme Wikidata et le Wiktionnaire, et ça doit continuer grâce aux efforts de contributeurs polyvalents, qui apportent une diversité de points de vue. »