Le 16 avril 2021 plus de 250 participants rejoignaient la journée Wikimedia Culture et Numérique pour une 2e édition en ligne, entièrement consacrée à l’open content. Wikimédia France y retrouvait pour l’occasion ses partenaires de l’édition 2019, les Archives nationales et le Clic France.
Au delà du chiffre des participations ce sont les nombreuses réactions des agents culturels et l’enthousiasme des intervenants au cours de l’événement qui permettent d’y voir un signe encourageant vers une politique partagée de diffusion des contenus patrimoniaux sous licences libres en France.
Introspection et impatience
Comme tout concept, l’open content souffre d’abord des contours qu’on lui offre, des principes qu’on lui accorde tour à tour avant d’être figé par les usages ou par un consensus scientifique.
Ajoutons à cela la difficulté de se faire une place au sein d’une fratrie dont les premier-nés ont déjà marqué de leur empreinte le débat public.
Open data, open science, open source, open access… Quel parent de famille nombreuse ne s’est jamais perdu dans les prénoms ? Le petit dernier en fait toujours les frais bien qu’il bénéficie souvent des acquis durement payés par ses aînés. Mais si l’open content hérite bien d’un environnement du libre déjà sémantisé, il ne bénéficie pas nécessairement des politiques engagées jusqu’ici.
L’open data aura d’ailleurs connu de nombreuses affres et son application par les collectivités territoriales laisse encore à désirer. Pourtant, si l’on imagine mal une iconographie patrimoniale sans informations, la donnée culturelle elle-même a bien du mal à verdoyer seule dans le paysage numérique. L’image du domaine public trouve sa véritable valeur ici. Lorsqu’elle permet à chacun d’en bénéficier sans jamais s’en emparer. Même les images fixes sont toujours de voyage.
Et si la numérisation a un coût, il est à peine couvert par la monétisation des numérisations d’une œuvre en deux dimensions. De plus en plus d’institutions culturelles en prennent conscience et choisissent d’apporter une valeur d’usage aux images, plus prometteuse que leur valeur marchande.
C’est ici que se définit l’open content. Par l’émancipation des contenus culturels à travers les réutilisations de tout type y compris commerciales.
Du moins c’est ce sur quoi nous nous sommes accordés au cour de la deuxième édition de la journée Wikimédia Culture et numérique entièrement consacrée à l’ouverture des contenus culturels.
Cela parait simple, mais la marche est haute et impulser de telles initiatives, implique une préparation à différents niveaux : juridique, économique, politique et opérationnel.
Exploration et enthousiasme
Une fois les bases posées avec les enjeux de l’open content proposés par des institutions comme la ville de Marseille ou le Musée de Bretagne, la journée glisse naturellement vers l’exploration des moyens mis en œuvre. L’open content présenté le 16 avril à un public divers regroupant postes de direction, chefs de projets numérique, communication et réseaux sociaux, conservateurs, documentalistes, archivistes ou encore médiateurs culturels, n’a pas défini de modèle réplicable à volonté mais a le mérite de refléter la diversité des acteurs culturels avec leurs lots de contraintes spécifiques : tutelles administratives, politiques juridiques, politiques de numérisation, réseaux d’institutions ou établissements uniques, présence d’une plateforme numérique etc.
Paris Musées et les musées de Reims sont aujourd’hui les deux principaux pourvoyeurs français de contenus artistiques en open content.
Le premier avait lancé son portail des collections en 2016 seulement avec une absence totale de sites propres à chaque musée. Les choses ont ensuite fortement accéléré à l’échelle des politiques culturelles avec la validation en 2019 de leur politique d’open content suite à la fin de la collaboration avec la Parisienne de photographie. En janvier 2020, 150 000 œuvres placées sous la licence CC0 sont mises en ligne.
Le second, qui comptent 5 institutions dont le Musée des Beaux Arts de Reims partait de loin puisqu’aucun site internet n’existait en 2017. La fermeture du MBA dont les collections très bien documentées avaient été prises par un photographe professionnel, pousse leur mise en ligne. Le projet est lancé en 2019 et les documents sont disponibles dès décembre 2020. Soit un délai d’1 an et demi pour l’ensemble d’un projet open content.
Autre type d’acteur, autres circonstances. Les archives départementales des Yvelines avaient dès 2010 mis en place une plateforme pour ses fonds iconiques. L’aspiration par une entreprise commerciale des données de multiples services d’archives mise en lumière dès 2013 bouleverse le paysage culturel et l’encadrement juridique de l’accès aux fonds archivistiques. Alors que cette affaire litigieuse provoque une levée de bouclier de certains services, celles que l’on identifie comme les AD78 saisissent l’occasion pour acter dès 2014 une politique d’ouverture des contenus, 1 an après la refonte globale de leur site.
Ces échanges riches d’enseignements sont aussi l’occasion de proposer quelques sondages à un public très réactif. On y apprend d’abord que 89 % des participants connaissaient les licences Creative Commons avant l’évènement. Un signe encourageant de la curiosité des acteurs culturels alors que différents outils comme ceux d’Etalab sont déjà promus par les services ministériels.
Plus significatif encore, la diffusion numérique des fonds patrimoniaux par les institutions participantes semble marquée du sceau du partage en libre réutilisation. 85 % des répondants considèrent qu’il est inhérent à leurs missions. Aucun d’entre eux ne l’exclut totalement mais 25 % hésitent avec un sentiment de dépossession. Un sentiment régulièrement mentionné par les agent(e)s culturel(le)s ces dernières années. S’il ne relève pas d’une solide argumentation, il reflète un encrage profond et historique dans une politique française de transmission verticale et exclusive des richesses patrimoniales.
En jouant de l’ellipse scénaristique dans la mise en place de telles démarches nous leur demandons alors s’ils seraient en faveur d’une labellisation des institutions qui franchissent le pas de l’open content et de la contribution aux projets Wikimédia… Oui massif (71 %) et Non poussif (6%), 23 % n’ont pas d’avis. Une opportunité à saisir pour féliciter les futurs candidats et lyser le doute.
Mais en effleurant la question des réutilisations commerciales, parfois source d’émois, 51 % des participants affirment que la monétisation de leurs numérisations engendre des bénéfices modestes et 41% des pertes réelles. 8 % seulement affirment observer des bénéfices conséquents.
Ces éléments, bien qu’informels nous offrent un aperçu que l’on peut estimer fidèle aux intentions et réflexions de l’ensemble des agents culturels de notre territoire.
C’est d’ailleurs en partant pour le Connecticut que nous nous rendons compte du retard pris par la France dans ce domaine. Même si le temps fort qui précède revient sur l’immense contribution du Musée Saint-Raymond dans l’open content français par la qualité de ses actions et la complétude dans l’usage de plateformes plébiscitées par les internautes comme les projets Wikimédia. Cet exemple particulièrement instructif n’est pas représentatif des actions menées par l’ensemble des GLAM français et surligne les contraintes que peuvent connaître des structures de taille moyenne lorsqu’elles envisagent l’intégration d’outils libres et collaboratifs dans leurs pratiques professionnelles.
Le Yale center for British Art nous propose ainsi un retour sur son expérience, en partie inspirée des concours de réutilisation du Rijksmuseum, qui favorise l’utilisation de nouveaux outils comme les standards IIIF dans sa stratégie numérique. L’occasion de rappeler que cette ouverture des contenus culturels est essentielle car elle répond au besoin des utilisateurs : l’accès facile à des ressources numérisées. Sans oublier les avantages pour le personnel d’un GLAM, comme le gain de temps puisque l’équipe du musée n’a plus besoin de répondre individuellement à chaque demande.
Apprentissage et conviction
Difficile d’imaginer une masse théorique envahir l’espace d’une journée dédiée à des sujets aux enjeux techniques inévitables. C’est pourquoi des bénévoles ont proposé la découverte d’outils et de projets Wikimédia intimement liés à l’ouverture des contenus sous licence libre. Une plongée concrète dans des outils qui offrent une vue plus précise des actions à mener pour offrir à son institution un lien renforcé et étendu avec les publics utilisateurs.
Nous tentons ici de répondre à trois besoins identifiés :
Comment préparer et aligner ses données pour les verser dans Wikidata, la base de connaissance libre des projets wikimédia ?
Une initiation à Open refine, outil particulièrement technique mais qui n’effraye pas les métiers liées à la documentation. Un tel atelier en visioconférence se transforme nécessairement en démo ouverte avec un peu moins de participatif. La participation dépasse nos attentes et marque un besoin grandissant de montée en compétence des agents culturels sur des outils intégrant l’univers de l’open data et de l’open content.
Comment valoriser des contributions sur les projets Wikimédia ?
Un atelier qui aide à choisir, organiser et rendre visible ses contributions aux projets Wikimedia. Puisqu’il ne suffit pas de verser des contenus en masse au petit bonheur la chance et que l’éditorialisation est un aspect essentiel de l’enrichissement de projets collaboratifs.
Comment verser des collections dans Wikimedia Commons ?
Peut-on faire plus concret pour de l’open content ? Des premiers pas sur la plateforme jusqu’à la maîtrise d’outils statistiques en passant par l’interopérabilité avec Wikipédia, presque tout y est. Des outils de versements de masse existent mais il faudrait bien plus de temps pour les apprivoiser en ligne. L’association Wikimédia France travaille d’ailleurs à les rendre plus accessibles grâce à des projets de mooc et tutos vidéos à venir.
La prochaine Journée Wikimedia culture et numérique qui aura lieu au cours du printemps sera d’ailleurs l’occasion de présenter les principaux enseignements du rapport sur les pratiques open content par les institutions culturelles en France.
Pour plus de renseignements sur ce rapport n’hésitez pas à prendre contact avec nous !
L’open content nous réserve probablement de belles surprises pour les années à venir. L’heureuse conséquence de l’avoir vu dans tous ses états.
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