Wikimédia France est une association qui a été créée, notamment, pour permettre le développement de Wikipédia, l’encyclopédie en ligne. Son objet est de favoriser la libre diffusion de la connaissance. Elle est ainsi, de par ses objectifs et son organisation, au carrefour de plusieurs mouvements : l’économie sociale et solidaire et l’économie du partage (comprenant des communs, en pleine renaissance grâce au numérique).
En effet, Wikipédia est l’exemple même du bien commun : ressource libre, issue du partage, ne faisant pas l’objet d’une appropriation. Sa gouvernance et sa régulation sont assumées par une communauté qui établit des règles et s’assure de leur respect, afin d’assurer la pérennité du projet et son accessibilité à tous.
Une réalité sociale nouvelle
Ce mouvement répond aux attentes de toute une génération, qui privilégie le partage et la collaboration et place dans ces valeurs des opportunités de croissance et d’innovation. Le succès de Wikipédia, qui ne se dément pas, est un exemple éclatant de ces aspirations qui concourent à une société plus juste et plus égalitaire.
Alexandra Schwartzbrod écrivait récemment dans Libération : « non, le monde n’est pas aussi noir qu’il n’y paraît, il lui arrive encore de réserver quelques belles surprises comme cette émergence, dans nos sociétés contemporaines d’une envie de consommer autrement (…) en partageant ou en échangeant avec les autres (…). Bientôt, on ne sera plus dans l’utopie, c’est ça la bonne nouvelle de cette fin d’année… ». [1]
La liberté de l’espace public
Le mouvement des biens communs souhaite limiter les appropriations privées de l’espace public. C’est le sens de l’engagement de Wikimédia France en faveur de l’introduction de la liberté de panorama en France.
Cette exception au droit d’auteur permet de reproduire et de diffuser l’image d’une œuvre protégée se trouvant dans l’espace public, notamment les œuvres d’architecture et de sculpture, tout en respectant le droit moral de l’auteur. Alors que les architectes et sculpteurs ont été rémunérés (souvent sur fonds publics) pour leurs œuvres, alors qu’elles ont été créées en vue de se situer dans l’espace public, les citoyens n’ont pas le droit de reproduire et de diffuser des images des lieux où elles se trouvent.
En ce début d’année, Facebook a d’ailleurs décidé de bloquer la représentation de l’oeuvre de la petite sirène d’Edvard Eriksen sur son réseau social pour des raisons de droit d’auteur.
Cette absence de liberté de panorama, en France, empêche le rayonnement de tout un pan de la culture et du patrimoine français à l’étranger. Nous refusons cette enclosure qui se manifeste par une privatisation des paysages urbains et de l’art monumental, qui font, pourtant, partie intégrante du domaine public.
Une réalité qui n’est pas reconnue
Les Communs sont une notion ancienne, remontant au Moyen-âge, qui désignaient des biens matériels et des terres. Tout un travail conceptuel est en cours, pour adapter cette notion très ancienne aux réalités du XXIe siècle. Dans le cadre de celui-ci, nous défendons l’idée que les communs ne doivent pas être considérés comme une exception à la propriété intellectuelle. Ils constituent un modèle à part entière de droit d’usage autonome.
Il est aussi temps de passer à la reconnaissance officielle du domaine public, autrement que par une définition négative. La possibilité d’inscrire les biens communs dans le projet de loi “pour une République numérique” s’est refermée aussi vite qu’elle s’était entrouverte, et nous le regrettons d’autant plus, qu’il n’existe, à l’heure actuelle, aucune protection des communs, ce qui donne lieu à la fermeture de certains d’entre eux et à la création d’exclusivités abusives.
Un triste exemple de copyfraud s’opère depuis quelques mois par le Fonds Anne Frank, dont le journal est tombé dans le domaine public au 1er janvier. Il nous semble pourtant que, plus que toute histoire, celle d’Anne Frank doit, sans attendre, être partagée, et non retenue…
C’est pourquoi, nous avons participé à l’écriture d’une déclaration commune, comprenant plusieurs propositions d’amendements à destination des députés.
Voici la liste des organisations signataires :
- Communia
- Conseil National du Numérique
- Framasoft
- LiberTIC
- Open Law, le Droit Ouvert
- La Paillasse
- La Quadrature du Net
- Regards Citoyens
- SavoirsCom1
- Vecam
- Wikimédia France
En parallèle, nous entendons poursuivre notre travail de sensibilisation sur le domaine commun informationnel, une véritable chance de développement économique, intellectuel et culturel qu’il faut saisir.
[1] Schwartzbrod, Alexandra (2015, 28 déc.). « Le non-marchand des possibles ». Libération, p. 2.