La revue de l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS), Documentaliste / sciences de l’information, propose, dans sa livraison de mars 2011, un article d’Anne Cordier intitulé « Les collégiens et la recherche d’informations sur Internet : entre imaginaire, contraintes et prescriptions ».
Doctorante en sciences de l’information et de la documentation à l’université de Lille 3, l’auteur s’appuie sur deux ans d’observation au sein de trois collèges différents, plus spécialement auprès d’élèves de sixième. Elle en déduit que les élèves n’ont le sentiment de se livrer à une recherche sur Internet que lorsque celle-ci se fait dans un cadre formel, soit au collège soit pour le collège ; inversement l’utilisation d’Internet a des fins personnelles n’est jamais perçue comme une recherche, alors même que la démarche relève souvent d’une recherche d’information. L’étude montre aussi que les jeunes collégiens comprennent relativement bien la nécessité d’une utilisation d’Internet sous surveillance d’un aîné (grande sœur, enseignant ou parent), mais pas forcément la manière dont celle-ci s’exerce.
Car il semble bien qu’Internet suscite une certaine méfiance de la part du corps enseignant et spécialement des professeurs documentalistes : accès à Internet soumis à autorisation, nécessité d’indiquer l’objet de la recherche, surveillance accrue. Cela peut aller plus loin : à un élève demandant son aide devant un écran de résultats d’une recherche de site, un documentaliste va tout simplement fermer le navigateur et renvoyer l’élève sur l’outil BCDI (logiciel documentaire du CDI). Selon l’auteur de l’étude, cette attitude des enseignants aurait deux buts : développer chez les collégiens une forme de « culture livresque », mais aussi contribuer à légitimer leur propre rôle professionnel.
Or, il ressort aussi de l’étude que Wikipédia est un des sites qui cristallise les différences d’attitudes entre les collégiens et leurs enseignants. Les premiers semblent apprécier l’encyclopédie collaborative, les seconds goûtent moins que leurs élèves s’en servent. Cela se traduit par des stratégies d’évitement ou de contournement de la part des adolescents. C’est ainsi que Chloé (collège B) prend des infos sur Wikipédia… mais affiche le plus vite possible une autre page, car, dit-elle, le professeur « va pas aimer ça du tout » !
Il faut bien sûr se garder de tirer des conclusions hâtives de la lecture d’un article ne faisant que résumer une recherche dont le travail de terrain porte sur trois collèges. Il semble tout de même que ces professeurs documentalistes, ont, dans leur approche avec les élèves, des attitudes pratiquement conservatrices voire réactionnaires dans la mesure où elles se construisent en réaction aux démarches « documentaires » des élèves. Quant à la défiance vis-à-vis de Wikipédia, ses causes sont sans doutes multiples, mais résident sûrement en grande partie dans le supposé manque de fiabilité d’une encyclopédie où chacun peut écrire, et donc rédigée par des amateurs. Sans doute aussi au fait que les enseignants ne souhaitent pas que les élèves bornent une recherche à un ou deux articles de l’encyclopédie collaborative. Il serait sans doute utile de sensibiliser davantage les professeurs documentalistes au cours de leur formation initiale et continue, comme lors de la journée réalisée il y a deux ans à Poitiers. Sans oublier le rôle que peut jouer Vikidia auprès des élèves et de leurs enseignants.